« Quand l’humour devient un pansement »
Une soirée qui devait être une fête, mais qui se termine par un vrai cauchemar. Cette réalité s’est passée le 22 août 2020 pour mon anniversaire, je fêtais alors mes 55 ans.
Tout se passait à merveille, j’étais entouré de mon amie, ma famille et mes amis, mais quand j’ai dû aller ravitailler d’essence la génératrice qui alimentait l’électricité du refuge que j’avais loué pour cet évènement, et ce, pour des raisons techniques, les choses ne se sont pas passées comme elles auraient dû. En manipulant l’estagnon d’essence et en ouvrant celui-ci, les vapeurs chaudes d’essence se sont volatilisées dans le petit espace du cabanon, et tout s’est embrasé à une vitesse vertigineuse, j’étais une torche vivante, mais je ne sentais pas la douleur (les terminaisons nerveuses de ma peau étaient détruites).
Mon transport au centre des grands brûlés du CHUV à Lausanne, s’est rapidement déroulé tout d’abord par ambulance, car le lieu de l’accident n’était pas adapté pour permettre à un hélicoptère d’atterrir. Puis, par les airs on m’a rapidement déplacé au centre des grands brûlés.
Une fois sur place, le constat du pourcentage de ma surface corporelle brûlée était de 75%, donc effrayant. De plus, mon âge avancé de 55 ans, n’était pas un avantage pour survivre à un tel ravage. Le corps médical ne me donnait que peu de chance de survivre (15%)
Mais inconsciemment mon mental s’est battu et ce bien que j’aie été plongé dans un coma artificiel qui a duré près de deux mois et demi, mon physique m’a aussi beaucoup aidé, j’ai toujours pratiqué depuis mon enfance du sport, et ce, très régulièrement. Et c’est sans parler de mon entourage familial, lequel était présent tous les jours et qui a participé à ma survie inconsciente, sans que je le sache vraiment.
Par ce témoignage, je ne vais pas énumérer les presque 30 opérations que j’ai subies jusqu’à cette année 2024, ni tous les détails ou des mois durant, j’ai dû réapprendre à 55 ans, à manger, à boire, à tenir une fourchette, à réapprendre à marcher ce qui m’a quand même pris plusieurs mois pour esquisser quelques pas sans avoir besoin d’un déambulateur. Et bien d’autres épreuves m’attendaient encore. Surtout l’épreuve de voir votre corps brûlé qui ne sera plus comme avant.
Lors de mes interventions en tant que patient aux différentes formations pour le personnel médical spécialisé dans le domaine des grands brûlés, j’utilise un dicton qui m’a aidé à avancer, qui est, « ne te plaint pas de ce qui t’est arrivé, mais réjouis-toi de ce qui va t’arriver » Il est évident qu’une épreuve aussi traumatisante, vous ne pouvez souvent faire face seule, que si vous êtes doté d’une grande force mentale et physique. J’ai beaucoup utilisé les adjectifs tels que, acceptation et résilience. Mon humour a aussi été un pansement pour moi, rigolé sur soi-même aide à panser ses plaies.
Toujours par ce témoignage, je voudrais remercier tout le personnel hospitalier qui s’est occupé à me garder en vie, à me redonner le goût de la vie et aux petites choses qui avant me semblait bien futiles, mais qui prend énormément de valeur aujourd’hui. Merci aussi à ma chérie qui a été à mes côtés durant cette épreuve qui a été aussi difficile autant pour elle que pour moi.
Le feu a eu ma peau, mais pas mon cœur.
Bertrand